En ce mois de novembre 1981, l’espérance était au pouvoir. Cela n’empêchait pas les ondées d’automne de recouvrir les rues de Paris d’un gris pluvieux, peu propice aux envolées lyriques.
En sortant de la station Rennes, je laissais dans mon dos, le priape moderniste, pour l’époque, et je pris la rue Saint-Sulpice. A l’entresol d’un bougnat enfumé, je découvris un hammam-sauna, comme il y en avait tant à l’époque et qui ont disparu depuis. Ma curiosité fut piquée au vif et l’idée de me retrouver nu dans une atmosphère surchauffée me fit quitter les frimas de la rue, sans regret. C’était une première pour moi et j’étais loin de m’imaginer l’ambiance qui régnait dans ces lieux.
A l’entrée banale d’un hôtel de seconde zone, on me remit des accessoires de bain et une clé de vestiaire. Mon ingénuité devait se lire au sourire torve que je lus sur le visage du garçon de bain. Je me fis indiquer l’itinéraire. On ne devait y recevoir que des habitués. Et pour l’heure, ils n’étaient pas là. Je me déshabillai et me recouvrai du peignoir élimé que l’on m’avait remis. J’entrai alors dans ce qui devait être le sauna.
Sombre, seule la lumière extérieure parvenait des vasistas encrassés qui pouvaient donner sur la cour intérieure, mes yeux eurent du mal à percevoir l’état des lieux. La chaleur moite ajoutait au sentiment de dépaysement. Fatigué par mes longues marches dans les rues de la capitale, je m’allongeai sur un banc dans l’attente de la sudation espérée. Je m’habituai à la pénombre et je découvris que je n’étais pas seul : plusieurs hommes étaient avachis sur les bancs qui m’entouraient. Je fermai les yeux et me concentrai sur la détente de mes muscles.
Quand je les rouvris, certains de mes voisins s’étaient levés, sexagénaires, octogénaires, chairs flasques, cranes dégarnis, ventripotents, poilus, blafards, je devais leur faire l’effet d’une reine de beauté avec mes vingt cinq ans musculeux. Ils furent de plus en plus nombreux à m’entourer et à m’honorer de leurs attouchements. J’étais pétrifié : leurs mains s’insi ...

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